mardi 28 juillet 2015

Leo, Kate et Kathy sont dans un bateau ...

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1997, Titanic : 

Ainsi commence l'épopée commune de Leonardo Di Caprio, Kate Winslet et Kathy Bates. 
Selon toute logique scientifique, je suis censée détester "Titanic", parce que j'ai du mal avec tous les films romantiques bien clichés, donc je devrais être émotionnellement inapte à l'appréciation d'un tel film. Littéralement habité par son sujet (le personnage de Bill Paxton peut-être vu d'ailleurs comme l'alter-ego du cinéaste), James Cameron aura mis toutes ses tripes dans ce projet foufou, pari extrêmement risqué et suicidaire dont le tout Hollywood prédisait le naufrage avec une cruelle délectation. La suite, on la connait, un succès fracassant et une pluie de récompenses amplement méritées. Oui, méritées, car, au contraire de beaucoup de blockbusters de l'époque ne tenant désormais plus la distance, Titanic reste tout de même visuellement irréprochable. Car derrière l'histoire d'amour prévisible et calibrée pour les midinettes, Titanic permet surtout à James Cameron d'esquisser un portrait de femme forte, de nous dépeindre l'émancipation d'une jeune femme prisonnière des conventions et de sa condition, simple objet de décoration trônant au milieu d'une société affreusement patriarcale et condescendante. Ceci étant, la première partie du film n'a de valeur que par les bon jeux d'acteurs, les décors et les costumes magnifiques ; je comprends qu'il faille camper le décor et concentrer l'intrigue sur des personnages principaux afin de toucher l'émotion du spectateur, mais l'intrigue amoureuse entre Jack, Rose et son fiancé est incroyablement surréaliste. Passée une première heure et demie placée donc sous le signe du faste et de la romance typiquement hollywoodienne, le film bifurque enfin vers la catastrophe attendue. Un naufrage spectaculaire et plus vrai que nature, immersif et trépidant, mais avant tout teinté d'une fatalité déchirante, le sort des protagonistes nous touchant profondément. L'occasion également pour Cameron d'illustrer une lutte des classes terribles et féroces, parfois allant même jusqu'à l'absurde. Dommage cependant que certains personnages soient aussi tranchés, comme Jack et Cal : l'un est un pauvre au grand coeur, l'autre un sale pourri d'aristocrate. M'ouais, ça manque un peu de profondeur peut-être. En réalité, je suis bien plus touchée par la seconde partie du film. Aujourd'hui, en revoyant Titanic, je regretterai presque que l'histoire soit autant focalisée sur Jack et Rose, laissant de côté d'autres familles, d'autres parents, d'autres époux montrés à l'écran mais trop peu exploités. J'ai notamment été très marquée par la scène où un couple plutôt très âgé est allongé sur le lit, s'enlaçant une dernière fois alors que l'eau s'infiltre sous eux. Cette image fait d'ailleurs partie de la scène où le son s'efface au profit du dernier morceau de l'orchestre (Plus près de toi mon Dieu), qui a joué jusqu'au bout, une scène qui n'a de cesse de m'émouvoir. 
Avec de meilleurs dialogues et un peu plus de crédibilité niveau relationnel entre Jack et la famille de sa dulcinée, le film aurait gagné en profondeur. Mais dans le genre du grand spectacle, ça reste un incontournable, grâce au talent de Cameron.



Kathy Bates incarne ici la pétillante Molly Brown.

Moi, la vraie scène qui me ferait verser des larmes, c'est celle-ci.


2008 : Les Noces Rebelles

Et donc, onze ans plus tard, on reprend l'histoire d'un couple dépeint par Di Caprio et Winslet, on positionne un peu Kathy Bates au milieu et on remet ça. Et vous savez quoi ? J'ai trouvé ce film véritablement bouleversant. Un véritable chef d'oeuvre, et je pèse mes mots.


La trentaine, mariés, deux enfants, du charme et de l'insolence à revendre, et la volonté de ne pas être comme les autres, c'est ce que sont fiers d'afficher Frank et April Wheeler lorsqu'ils s'installent dans leur jolie maison de Revolutionary Road (nom ô combien ironique !). Mais Frank, malgré tout son talent, se retrouve coincé dans un emploi qui le brime, tandis qu'April, femme libre et brillante se voit cantonnée à un rôle de ménagère qui a perdu ses rêves et ses illusions. L'histoire d'un couple lambda, qui pense comme tout un chacun être "exceptionnel", au-dessus de tout ça, et tente désespérément d'affronter le poids de la monotonie et du quotidien laissant peu de place aux ambitions. Ça me semble dingue de n'avoir jamais écrit plus tôt sur ce film, qui pourtant fait pleinement partie de mon ADN cinématographique, comme j'aime tant le dire. Et pour cause, tout me plaît dans ce film. A la fois le fond, la forme, mais aussi le message, si tant est qu'il y en ait un. Alors, pour faire les choses proprement, je vais déjà essayer de les re-situer un peu dans leur contexte. Les Noces Rebelles est donc un film de Sam Mendes, qui reprend le couple phare de Titanic, ainsi que Kathy Bates. De façon un peu rapide, on peut avancer que le film se présente comme une réponse à la question : comment l'histoire aurait-elle pu évoluer si tous deux avaient survécu au naufrage ? L'intrigue se déroule d'ailleurs dans une banlieue new-yorkaise des années 1950 : Sam Mendes cultive un certain second-degré, et j'apprécie ça. Kate Winslet et Leonardo DiCaprio forment ainsi à l'écran un ménage blasé, qui a vu toutes ses beaux projets s'éteindre les uns après les autres, avec les années, en les confinant dans un amas d'habitudes monotones, où chacun reproche à l'autre la tournure qu'a pris leur existence. Ils s'étouffent, se brident, ne se supportent plus, jusqu'au jour où April parvient à ré-insuffler de l'espoir dans leur vie en déterrant un vieux rêve commun : celui d'aller vivre à Paris. D'abord réfractaire face à la nouvelle lubie délirante de sa femme, Frank finit par se laisser gagner par les promesses de ce projet; tous deux convaincus qu'ils parviendront à concrétiser ailleurs, ensemble, ce qu'ils ne sont pas parvenus à devenir ici.
Et j'ai été littéralement happée par les désirs de ces protagonistes, tellement humains. Ils m'ont insupportée parfois, mais je les ai appréciés en même temps : je les ai tellement compris, surtout. Cette femme au foyer aux sautes d'humeur effrayantes, épuisée nerveusement, ne vivant plus qu'à travers ses projections et prête à tous les sacrifices pour sortir de ce cadre, ce rôle dans lequel elle s'est enfermée. Et cet homme de l'autre côté, tellement grisé à l'idée d'entreprendre une vie différente de celle à laquelle il était prédestiné, mais également très vite rattrapé par les doutes, la peur de perdre son confort douillet, allant jusqu'à ignorer le mal-être de sa femme pour ne pas renoncer à sa voie toute tracée. Toute l'ambiance du film vient elle aussi renforcer ce constat amer et tellement sombre, que ce soit dans les décors et la maison totalement aseptisée, ou par le biais des amis (d'une jalousie malsaine à l'égard de cette possible prise de liberté) ou bien encore les voisins, hypocrites et incapables de sortir de leurs relations d'indifférence polie. Un film fort donc, complexe, porté par l'intensité du jeu de son duo d'acteurs, mais aussi l'intelligence de son scénario consistant en une plongée psychologique dans le naufrage vers lequel tend parfois la vie conjugale. La vie à deux, ce n'est pas vraiment simple, et Sam Mendes le montre parfaitement à l'écran. En tout cas, du haut de mes dix-sept ans, ce film avait (entre autres) profondément façonné ma vision du couple, et continue à le faire encore et encore, à chaque visionnage.