jeudi 24 septembre 2015

Je savais que ce film allait me plaire. A croire que moi aussi, je suis un peu médium sur les bords.

Prémonitions, voilà typiquement le genre de films que je vais voir sans regarder la bande annonce et en lisant le synopsis en travers. Quand j'ai vu qu'Anthony Hopkins campait le rôle d'un médium énigmatique, j'y suis allée les yeux fermés, peu importe la présence de Colin Farrell au casting (je n'y peux rien, j'ai franchement du mal avec cet acteur, même si aucun rôle ne peut être pire que le sien dans Winter's Tale, évidemment). J'ai eu grandement raison, car j'ai passé un excellent moment devant le film d'Alonso Poyart ; bien plus que ceux qui ont eu l'occasion de voir la bande annonce, sûrement (elle vous spoilera à mort, ne la regardez pas, c'est le mal). Et je m'en viens vous spoiler encore un peu plus.


Au début, l'histoire peut paraître assez classique : Joe et Katherine, un duo de policiers, rament un peu face à un tueur énigmatique, si bien qu'ils décident de faire appel à John, un ancien collaborateur à la retraite, reclus à la campagne suite au décès de sa fille et au départ de son épouse. Dans un premier temps, il refuse de les aider, mais se laisse finalement convaincre à l'aide des dossiers présentant les divers meurtres. Mais là où le film diffère un peu des thrillers classiques, c'est que cet enquêteur en réalité médium. En effet, il peut en quelque sorte entrer dans l'esprit du tueur ; c'est ainsi qu'il ne tarde pas à découvrir que le tueur en question est également doté des mêmes capacités divinatoires que lui, rendant les choses légèrement plus compliquées. Le film part donc de ce postulat, on est face à une enquête de police aux accents paranormaux et le tout fonctionne très bien. Ce film est un vrai bon thriller avec une histoire intrigante et prenante, personnellement je n'ai pas vu le temps passer et je n'ai pas trouvé un seul temps mort. La mise en scène est très belle et l'esthétisme du film me plaît tout particulièrement, il a un aspect assez glauque et sombre, notamment dans les scènes de visions médiumniques. Il y a juste certains choix qui m'ont dérangée, comme la façon de filmer, j'ai trouvé à certains moments que la caméra gigotait un peu trop, c'est dommage. 

Pour ce qui est du thème en lui-même, j'ai été franchement emballée. Parce que non, le tueur ne choisit pas ses victimes au hasard, elles sont toutes gravement malades et très souvent en phase terminale. Le film est une sorte de plaidoyer pour l'euthanasie, disons le clairement : le tueur a une vraie motivation pour commettre ses actes, il parle de souffrance, de mort, mais surtout de dignité. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que je préférerais sûrement mourir de cette façon que de passer longuement par l'état légume dans une chambre aseptisée. C'est un sujet que je trouve vraiment intéressant d'un point de vue de la réflexion, sans doute trop peu utilisé et je trouve plutôt original d'aborder ce thème au sein même d'un thriller. De plus, les motivations du tueur trouvent directement écho dans le passé de John, sa fille étant décédée des suites d'une longue maladie ; décidément, ils étaient tous les deux faits pour se rencontrer. A ce propos, la scène finale prend vraiment aux tripes, j'ai apprécié que le film se termine de cette manière, sans pour autant tomber dans cette
mièvrerie insupportable qui accompagne souvent l'idée de mort inévitable.

Bref, un film que j'ai franchement aimé au cinéma et que je me ferai un plaisir de revoir chez moi dans quelques temps. Un sujet fort, quelques surprises réellement agréables (même si j'en attendais peut-être un peu plus en guise de dénouement), des passages très émouvants. Un métrage assez complet pour les amateurs du genre, qui mérite que l'on y jette un coup d'oeil !

jeudi 10 septembre 2015

Pourquoi j'ai cédé à l'appel de l'aiguille.

Si vous consommez de la presse féminine, ou même des hebdomadaires généralistes, vous n'avez raisonnablement pas pu passer à côté de cette information : le tatouage est l'une des grandes modes de notre ère. Encore réservé, il y a quelques années, aux marginaux, aux junkies, aux marins ou aux prisonniers, le tatouage a conquis tous les âges et toutes les classes sociales. Et moi, accessoirement. Je ne vais pas vous faire le numéro de l'étude sociologique, mais simplement vous expliquer pourquoi j'ai moi-même décidé de vivre l'expérience.

Tout d'abord, je ne me suis pas réveillée un matin en me disant soudainement "tiens, et si je me faisais tatouer ?", aussi légèrement je pourrais avoir la lubie d'une nouvelle couleur de cheveux. Voilà deux ans que ce projet me trottait dans la tête, je l'ai mûri assez lentement. J'ai commencé à y penser vraiment plus sérieusement il y a quelques mois. J'ai dessiné un premier modèle, franchi la porte de plusieurs salons, glané divers renseignements sur les normes d'hygiène, les risques, le caractère irréversible et les précautions à prendre, rediscuté de mon croquis de base avec la madame qui s'est gentiment occupée de m'enfoncer une bonne dizaine d'aiguilles dans la peau. Tout ceci a été un cheminement progressif, autant dans l'idée que dans la réalisation actée. Quand j'ai révélé à mon entourage que mon projet était assez avancé, au point d'avoir versé l'acompte et bloqué le rendez-vous, certaines réactions ont été moins enthousiastes que je le pensais, notamment en raison de mes problèmes de peau récurrents. J'avais posé la question des tatouages et piercings assez jeune à différents dermatologues, qui se sont toujours tous avérés contre cette idée. Mais comme me l'avait fait judicieusement remarquer l'une d'entre eux, ils le déconseilleraient à n'importe qui, avec ou sans problèmes de peau. Bref, c'était possible. Je ne tiens pas à inciter les gens à se faire tatouer contre l'avis de leur dermatologue, néanmoins je pense sincèrement que pour un type de peau comme la mienne cela n'est pas moins recommandable que pour une personne au fonctionnement cellulaire ordinaire (la preuve, j'y ai très bien survécu). J'entends par mon type de dermatite une peau très sèche qui se desquame parfois, avec des irritations apparentes, plaies à vif, eczéma, petits abcès ou crevasses auxquelles peu de zones de mon corps parviennent à échapper. Si les squames ne sont pas un problème, la peau ne doit surtout pas être abîmée sur la zone souhaitée du tatouage. Ce qui ne laissait pas grand choix de localisation, dans mon cas. J'ai pourtant choisi purement et simplement de tenter le coup, en ayant recueilli pas mal d'informations à ce sujet, mais en passant outre l'avis médical (pas bien, je sais). Ma motivation déterminée y était sans doute pour beaucoup.

Mais pourquoi diable avoir cédé à cette tendance ? En réalité, je n'ai jamais été très interpellée par les effets de mode ; j'ai donc accompli cette démarche uniquement pour moi-même, indifféremment des nouveaux codes sociaux en vogue. Pour moi, la peau est avant tout la plus belle des toiles à dessin, et la plus authentique aussi, celle qui raconte notre propre histoire de vie. Certes, ma peau est très sensible, mais je suis également très sensible à la peau. Je considère que les émotions passent bien plus dans le toucher, le regard ou la voix que par les paroles en elles-mêmes. Je suis pourtant une grosse introvertie en société, j'ai besoin de préserver mon espace, je n'aime pas la foule, je ne fais généralement pas la bise à mes collègues ni à mes simples connaissances (je ne le refuse pas, mais je ne le ferai pas de moi-même). Par contre, je peux être très tactile avec les gens que je perçois comme proches de moi, et je crois fermement aux vertus thérapeutiques de la peau : un bon massage ou une caresse me remet bien plus d'aplomb qu'un Doliprane. Le tatouage s'inscrit un peu dans cette démarche et y ajouter une dimension esthétique ne me déplaît pas.
Au niveau purement symbolique, j'ai choisi moi-même le motif en dessinant la première ébauche, qui avait un sens tout particulier pour moi. Pour ceux qui n'auraient pas eu le privilège de le voir, il s'agit d'une citation (Art consists of the persistence of memory), surmontée d'une plume bleue autour de laquelle gravitent quatre oiseaux prenant leur envol. La citation en elle-même avait déjà son importance pour moi, puisqu'elle est tirée du roman Misery, dont je suis une grande adepte, comme vous le savez sûrement, et qu'elle fait également écho à un tableau de Dali baptisé La persistance de la mémoire. Quant au dessin l'ornant, il est à mes yeux symbole d'espoir retrouvé, d'une certaine sérénité aussi (encore bien perfectible, mais quand même), d'une envie de prendre mon envol loin de ce qui m'a rongé durant pas mal de temps. Je trouvais que ce croquis me résumait finalement tout à fait : le désir de sublimer les expériences pas forcément réjouissantes par la création (à ma petite échelle). De plus, j'aime cette idée d'avoir le contrôle absolu de mon corps : je me dis que cette fois, c'est moi qui décide ce qui lui arrive. J'ai le sentiment depuis quelques mois d'avoir vraiment accédé à la maturité et à la vie, après avoir trop longtemps survécu en apnée. Plusieurs drames ces dernières années m'ont fait changé ma façon d'appréhender la vie. Je viens enfin d'obtenir ce qui manquait à ce tableau, un succès dans ma première année de formation qui me fera déboucher sur un emploi dans une voie où je me sens enfin à ma place. Alors il m'a paru important, pour toutes ses raisons, de faire un geste qui marquera à tout jamais ce moment où je me suis sentie renaître en dehors du malaise et des angoisses.

Mon tatouage ne ressemble absolument pas à ça, mais ma démarche
s'inscrit totalement dans ce registre.

Au-delà même du dessin, j'avais tout de même conscience que ce n'est pas un acte anodin : mine de rien, c'est quand même une blessure. A trois jours de l'échéance, j'ai connu un moment de doute, en m'observant dans le miroir sous la douche, en me disant que j'allais modifier mon corps de façon irréversible. Que mon dos ne serait plus jamais le même.

La question inévitable : est-ce que ça fait mal ? Honnêtement oui, beaucoup. Après, chacun possède sa propre sensibilité à la douleur (je me classe à peu près dans la moyenne, disons). Si j'ai un bon conseil à vous donner, c'est d'accepter tant bien que mal la douleur, en pensant à la réjouissance qui vous attend en découvrant le travail accompli ! En sortant de la boutique, j'étais mollasse comme ce n'est pas permis, mais dès le lendemain, je me sentais fière, j'avais envie de l'exhiber partout dans la rue en sautillant, j'étais comme une gamine surexcitée au pied d'un sapin de Noël. Ce rendu final était celui dont je rêvais : la tatoueuse avait exactement saisi ce que je voulais, j'étais comblée ! Au moment où j’écris, cela fait bientôt trois semaines que celui-ci orne sagement ma peau. Il est complètement cicatrisé, et je ne m'en lasse pas, malgré quelques retouches non négligeables à faire. Je ne regrette donc pas un seul instant, autant esthétiquement qu'au niveau dermatologique : je n'ai absolument eu aucune allergie, aucune douleur particulière hormis les deux premiers jours, peu de démangeaisons. Après m’avoir lue, vous devez sacrément avoir envie de le voir, ce fameux tatouage. Néanmoins, je préfère ne pas l'exhiber partout sur le net, je ne tiens pas spécialement à ce que celui-ci soit reproductible et se retrouve sur d'autres omoplates que la mienne, à vrai dire. J'aime assez l'idée qu'il soit unique, et je tiens à ce qu'il le reste. Tous les tatoués me disent que c'est une drogue, qu'une fois qu'on y a goûté, on recommence toujours… Il est vrai que j'y songe déjà, mais je souhaite tout d'abord continuer à savourer le premier comme il se doit !


A propos de tatouages, voici une histoire qui m'a plutôt remuée les tripes, celle de Bekah Miles, une adolescente américaine de 20 ans, qui a décidé d'opter pour un idéogramme résumant son combat quotidien contre la dépression. Voici son témoignage :


"Aujourd'hui, je vous dévoile quelque chose que très peu connaissent. Je suis prête à avoir une discussion sur ma maladie mentale. L'an dernier, on m'a diagnostiqué une dépression. Et pour être honnête, je pense que le problème remontait à plus longtemps que ça, mais il était devenu si important que je ne pouvais plus avancer.
Alors aujourd'hui, je me suis fait faire ce tatouage. Je pense que ma jambe était le meilleur endroit pour le sens qu'il y a derrière ce tattoo. Quand tout le monde le voit, ils lisent "Je vais bien", mais de mon point de vue, il se lit "Sauve moi". Pour moi, ça signifie que les autres voient cette personne qui a l'air d'aller bien, mais, qu'en réalité, elle ne va pas bien du tout. Ça me rappelle que les gens qui peuvent avoir l'air d'aller bien, peuvent en fait être en plein combat contre eux-même.
Pour moi, la dépression c'est les jours où je me sens triste sans raison. La dépression, c'est les matins où je suis incapable de sortir du lit. La dépression, c'est dormir trop ou dormir trop peu. La dépression, c'est les devoirs que je n'ai jamais rendu, tout simplement car je ne m'en sentais pas capable. La dépression, c'est quand je m'effondre pour rien du tout. La dépression, c'est manger trop ou manger trop peu. La dépression, c'est les nuits où je me mets à pleurer car je me sens bouleversée, même si tout va bien. La dépression, c'est la boule que j'ai au ventre tout le temps. La dépression, c'est le besoin permanent d'être distraite (d'être sur les réseaux sociaux, de jouer aux jeux vidéo, de regarder un film, une émission, ou de travailler tout le temps) car je ne peux pas faire confiance à mes pensées plus de trois minutes. La dépression, c'est les pleurs car je ne sais pas pourquoi je me sens si inutile, quand je sais que je devrais être heureuse.
C'est l'une des choses les plus difficiles à confier car c'est extrêmement dur pour moi de me sentir vulnérable... Mais je devais en parler. Une maladie mentale c'est sérieux, mais si honteux dans notre société. Nous portons tant d'attention à notre santé physique, mais trop peu à notre état de santé mental. Et c'est un vrai gâchis. Une maladie mentale, ce n'est pas un choix et ça peut toucher tout le monde à un moment de sa vie. Alors, si c'est un si gros problème, pourquoi n'en parlons nous pas?
Voilà pourquoi je me suis fait faire ce tatouage: les tatouages sont parfait pour entamer une discussion. Cela me force à parler de ma lutte intérieure contre la dépression, l'anxiété, ou des autres maladies mentales. Je suis peut-être seule, mais une personne seule peut en sauver une autre... Et c'est tout ce que je demande.
C'est peut-être pour ça que je suis si intéressée par la psychologie. Je veux aider les gens qui se sentent comme je l'ai été - et le suis toujours - car c'est l'enfer. Je ne souhaite ça à personne, conclut Bekah avant de citer Robin Williams qui souffrait lui aussi de dépression: "Je pense que les gens les plus tristes sont ceux qui essaient de rendre les gens le plus heureux, car ils savent ce que c'est de se sentir complètement inutile, sans valeur et ils ne veulent pas que quelqu'un d'autre se sente ainsi."

Un bel exemple de résilience par le biais de l'art corporel ...