mercredi 28 décembre 2016

Agatha Christie : Dix petits nègres.

En 1939, l'Europe est au bord de la guerre. Dix personnes n'ayant aucun point commun entre elles se retrouvent sur l'île du Soldat sous le prétexte d'invitations ou d'offres d'emplois : le général John Macarthur, Véra Claythorne, Emily Brent, le juge Lawrence Wargrave, Philip Lombard, le docteur Edward Armstrong, Henry Blore, Anthony Marston, Thomas et Ethel Rogers. Isolés du continent par une tempête, leurs hôtes Mr et Mrs A. N. O'Nyme mystérieusement absents, les invités et domestiques se voient chacun accusés de meurtre. Ils sont alors tués l'un après l'autre, d'une façon qui rappelle les couplets d'une comptine affichée dans chaque chambre. 

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Si vous partez du principe que vous n'avez pas de temps à accorder à une nouvelle série, voilà mon argument majeur : c'est une mini-série, composée de trois épisodes d'une heure, alors me sortez pas cette excuse toute moisie pour passer à côté de ce petit bijou britannique. 

Il y a un bon paquet d'années maintenant, on m'avait imposé Les dix petits nègres en classe de cinquième, et je n'avais pas réussi à en dépasser la moitié. A présent, je suis contente d'avoir pu sortir cette histoire de mes inachevés. Adapté de la célébrissime nouvelle d'Agatha Christie, qui fait référence au titre d'une comptine anglaise pour enfants, les "petits nègres" ont pourtant été remplacés continuellement par des "petits soldats" en VF, peut-être par souci du politiquement correct. La comptine est-elle différemment traduite selon les langues ? C'est un peu bizarre, mais au delà de ça, le reste est extraordinaire. L'ambiance est plombée, très réussie, et j'ai aimé l'idée que chacun des protagonistes représente une institution : la religion, la justice, l'armée, la police, l'éducation, la médecine. Chacune étant toujours illustrée par une personne très particulière, mystérieuse ou folle à lier. Le mystère plane sur la véritable raison de leur présence, et finalement celui qui s'attire les foudres des autres est le seul à admettre, sans sourciller, ce dont on l'accuse ; son honnêteté le rendrait presque plus sympathique que les autres. Tous choqués par l'immoralité de Philippe Lombard, qui assume ses crimes sans problème, ils se décident alors à quitter l'île. Mais aucun moyen n'existant (mis à part nager dans les eaux profondes et mourir), ils se résignent tous à leur triste sort, alors que le premier meurtre se produit.

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Alors bon, on connait la chanson : un personnage est tué, une statuette disparaît, et ce jusqu'à ce que la maison soit totalement vide. L'originalité ne réside pas vraiment dans la mise en scène, mais dans le sens du détail étonnant pour un format court. Dès les premières minutes, on entre directement dans le vif du sujet, les choses s'enchaînent assez rapidement pour se focaliser sur l'aspect psychologique du récit. Certains se mettent vite à friser l'hystérie, n'arrivant plus à supporter la situation ; d'autres gardent leur calme et attendent sagement ; d'autres encore se mettent en tête de farfouiller dans les chambres et de ne laisser personne à l'écart du groupe. Il ne se passe pas grand chose en soi, mais le focus sur les réactions de chacun m'a plu, là où ça pourrait être soporifique pour d'autres. Vent, pluie, tempête et orages violents renforcent la sensation d'oppression, d'autant que les souvenirs reviennent et s'imposent peu à peu à chacun, qui se trouve alors face à sa conscience. On a ici des flashbacks vraiment magnifiques, utilisant un peu le même procédé que Dolores Claiborne (réalité sombre, passé flamboyant de mille couleurs), et moi j'adore.

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Comme je m'y attendais, le casting est aux petits oignons. On a les valeurs sûres (Charles Dance), ceux qu'on est ravis de retrouver (Burn Gorman et  Noah Taylor, aperçus également dans Game of Thrones), ou les acteurs plus méconnus qu'on découvre, mais peu importe au fond, car tout le monde livre une prestation solide. Il n'y a aucune fausse note. Chacun m'ont montré des facettes peu connues de leur registre, ce qui m'a donné envie d'en découvrir plus sur leur filmographie (Charles Dance qui sourit, j'exagère volontairement mais c'est l'idée, et le monologue de Burn Gorman qui nous émeut en parlant de son jardin qu'il ne risque pas de revoir). Tout est excellent ici : les acteurs, l'histoire, les décors, les costumes, le rythme, l'ambiance ... Modernité et esthétique d'époque se mélangent parfaitement. Peut être un bon moyen pour qui ne connaît pas l'oeuvre d'Agatha Christie (ou ne l'a pas appréciée auparavant), d'y venir. Je pense que la série peut combler aussi bien ceux qui découvrent que ceux qui connaissent déjà, tant l'ensemble nous embarque jusqu'à la toute dernière minute. Je chipote assez souvent en ce qui concerne les films ou séries de manière générale (surtout ce qui passe sur TF1, d'ailleurs), mais je dois dire que Dix petits nègres est un sans faute pour moi. Mon plus gros coup de cœur télévisuel de l'année.

samedi 24 décembre 2016

Tag : "Vous et les livres".

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Ce n'est pas forcément très intéressant pour le lecteur lambda, je suis bien d'accord, mais ça reste tout de même dans le thème de Noël, puisque les livres ont toujours été THE idée cadeau parfaite pour moi. Quand j'étais préado et que je devenais trop grande pour les poupées mais encore trop petite pour gérer plein de sous, ma famille se rabattait toujours sur la littérature. Tout le monde était toujours sûr de me faire plaisir et de ne pas rater son effet. 


1. Quel est l'endroit où tu préfères lire ?
De manière générale, j'aime lire au lit, de jour comme de nuit. Au chaud sous la couette, avec un océan d'oreillers et la pluie qui s'écrase contre la vitre, ce serait vraiment l'idéal.

2. Tu peux t'arrêter de lire où tu veux, ou tu finis toujours ton chapitre avant ?
Les seules fois où j'ai continué systématiquement jusqu'au chapitre suivant, c'était quand j'étais petite et que j'essayais de gagner du temps avant l'extinction des feux. Actuellement, j'arrête ma lecture n'importe où, au moment où je me dis que c'est fini pour aujourd'hui, et je n'ai aucun mal pour reprendre là où j'en étais. 

3. Multi-tâches : musique ou télévision en lisant ?
Ni l'un ni l'autre. Le silence me plonge encore plus dans l'atmosphère du récit.

4. Un livre à la fois ou plusieurs ?
Pour moi, c'est un seul livre à la fois. Quand j'en prends un, j'aime me concentrer sur lui et uniquement sur lui. J'ai jamais eu envie de lire plusieurs livres en même temps, pour moi c'est l'un à la suite de l'autre.

5. Lire à la maison ou ailleurs ?
Lire partout, quelle question. Il n'y a qu'à la plage que je n'aime pas lire, mais c'est parce que j'adore l'eau et que je préfère passer mon temps à barboter. J'arrive à faire abstraction de tout, même si j'ai toujours préféré lire chez moi.

6. Lis-tu à voix haute ou en silence dans ta tête ?
En silence, toujours. Pour moi, lire est une activité qui se fait seul, essentiellement. Je trouve qu'il y a des choses qui sont beaucoup plus drôles et plus intenses quand on ne les partage pas, on s'imprègne mieux de l'univers dans lequel on est plongé. En lisant à voix haute, j'ai toujours pensé qu'on était plus concentré sur les mots en eux-mêmes que sur ce qu'ils décrivent.

7. Est-ce que tu sautes parfois des pages ? Est-ce que tu regardes la fin du livre ?
Ça m'arrivait très souvent lorsque j'étais ado et que j'étais inquiète pour le futur d'un personnage que j'aimais, je feuilletais rapidement plusieurs chapitres pour vérifier qu'il était toujours là. Maintenant, quand j'achète un livre, c'est pour le lire du début à la fin, dans l'ordre, pas pour passer quelques chapitres, sauf cas de force majeure (je n'ai jamais pu lire en entier la scène de viol de Lisbeth Salander dans Millénium, c'était vraiment trop dérangeant pour moi, tout comme je n'ai jamais pu la regarder dans l'adaptation non plus). Quant à zyeuter la fin d'un roman, à quoi ça sert de le continuer si on en connaît déjà le dénouement ?

8. Casser la tranche ou la garder intacte ?
Autant que possible, j'essaie de la garder intacte, mais quand un bouquin me plait au point de le lire plusieurs fois, elle finit par se casser. Ce qui ne me dérange pas trop, au final. Un livre abîmé d'avoir été trop lu, c'est un livre qui a autant de vécu qu'un compagnon de route, à mon sens. Chaque marque sur mes bouquins est une preuve de l'amour que je leur ai porté. Cela dit, quand je trouve des livres tâchés ou des feuilles gondolées, ça me rend malade (spéciale dédicace aux bibliothèques municipales).

9. Est-ce que tu écris dans tes livres ?
Les gens qui écrivent dans leurs livres sont des monstres. Je suis indulgente avec les collégiens qui massacrent leurs grands classiques de poche à coups de Stabilo, mais rien ne m'énerve davantage que de voir un livre sur lequel des gens ont écrit. La seule personne que j'autorise à écrire dedans, c'est son auteur pour me le dédicacer.

10. Plutôt corne ou marque-page ?
Marque-page. Corner sa page est une manière d'abîmer son livre, au même titre que de gribouiller dedans.

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11- As-tu déjà pensé à écrire un livre ?
Mon rêve était de devenir écrivain. Petite, je passais de nombreuses heures à écrire des histoires, sans réel scénario, juste par besoin d'extérioriser ce que mon imagination me dictait. Depuis, j'ai l'impression d'avoir énormément lu en compensation, au point de ne pas réussir à créer un univers qui m'est propre.

12 - Que penses-tu des livres en plusieurs tomes ?
Grande amatrice de séries, je serais bien en peine d'en dire du mal. Quand on aime vraiment les personnages, on a envie de ne jamais les quitter. Si l'histoire vaut le coup, ça ne me dérange pas du tout, bien au contraire : c'est même un plus. 

13 - Comment choisis-tu tes livres ?
Je fonctionne beaucoup au coup de cœur. Parfois c'est le titre, parfois la couverture, plus rarement le résumé. 

14 - Une lecture inavouable ?
J'ai lu les premiers tomes de Fifty Shades et Twilight, je ne suis fière d'aucune de ces lectures, mais je reste persuadée qu'il faut se sacrifier avant d'être sûr de ne pas aimer. Donc maintenant, je suis sûre à 100% que je n'aime ni l'une ni l'autre de ces sagas, c'est déjà une bonne chose de faite.

15 - As-tu déjà abandonné un livre ?
Oui, même si je finis la plupart de ceux que je commence. Je m'impose de toujours lire les cinq premiers chapitres, et si passé ce délai la sauce n'a pas pris, j'abandonne. Le monde est rempli d'histoires merveilleuses qui me feront voyager, et ma vie est trop courte pour persister et m'acharner sur un auteur dont le style m'évoque plus une purge qu'un divertissement.

16 - Préfères-tu quand le personnage principal est un homme ou une femme ?
Honnêtement, je m'en fous totalement. A partir du moment où le personnage est accrocheur, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme a peu d'importance.

17 - La couverture d'un livre peut-elle influencer ton choix de lecture ?
Les couvertures influencent peut-être à moitié mon choix, surtout quand elles sont moches. C'est hélas le cas de beaucoup de livres classés Science-Fiction ou Fantastique, souvent elles sont juste horribles et n'ont jamais réussi à me motiver. Quand je ne connais pas un auteur, je me fie plus à la couverture qu'à autre chose, sûrement à tort.

18 - L'éditeur peut-il influencer tes choix ?
Honnêtement, j'aurais tendance à dire non, mais les couvertures d'Acte Noir m'ont poussé à lire et découvrir tout un groupe d'auteurs que je n'aurais jamais découvert sans ça. Du coup, finalement, si, ça peut influencer mes choix, mais c'est pas ce que je regarderais en premier, disons.

19 - Les citations à propos de la lecture qui t'inspirent le plus ?
• "Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux." (Jules Renard)
• "Un lecteur vit un millier de vies avant de mourir. Celui qui ne lit pas n'en vit qu'une." (George R.R. Martin)
• "Dans la lecture, l'homme qui se cherche lui-même à quelque chance de se rencontrer." (Georges Duhamel)
• "L'écriture ne m'a pas sauvé la vie, mais elle a continué à faire ce qu'elle avait toujours fait pour moi : rendre ma vie plus lumineuse et plus agréable. Écrire n'a rien à voir avec gagner de l'argent, devenir célèbre, draguer les filles ou se faire des amis. En fin de compte, écrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie. C'est se tenir debout, aller mieux, surmonter les difficultés. Et faire qu'on soit heureux, d'accord ? Oui, faire qu'on soit heureux." (Stephen King)

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vendredi 23 décembre 2016

Still Alice, ce film qui fout les boules bien comme il faut.

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Prof renommée à l'université de Columbia, Alice est spécialiste en linguistique, a enseigné dans le monde entier, est mariée à un homme aimant et a trois grands enfants. Alors qu'elle fait face à des pertes de mémoire de plus en plus importantes, elle passe quelques examens médicaux pour se rassurer, mais le verdict tombe : Alice souffre d'une forme héréditaire et précoce de la maladie d’Alzheimer. Cette femme si indépendante, si intelligente, si douée pour communiquer va se voir décliner peu à peu. J'ai mis du temps à voir ce film à cause du thème qui ne me tentait que moyennement, je craignais qu'il ne tombe un peu trop dans le pathos grand public plein de bons sentiments niaiseux, ce qui n'est vraiment pas ma tasse de thé. Mais comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, j'ai finalement trouvé que Still Alice était un film très émouvant et authentique.

Julianne Moore est absolument superbe dans ce rôle (elle a raflé pas mal de récompenses pour son interprétation, et ça se comprend). Superbe d'abord par ses expressions : pas de visage figé, une interprétation magistrale, une beauté naturelle, et ce n'est pas désagréable comparé à toutes les Botox Faces qu'on peut voir de plus en plus à l'écran. Mais surtout superbe par son jeu : elle est complètement habitée par le rôle de cette femme battante qui commence à tout perdre. On traverse avec elle l'espoir, puis la fatalité, et on se rend compte (si on ne le savait pas déjà) que la vie est une garce bien injuste. Imaginez qu'on vous annonce du jour au lendemain que vous allez perdre toutes vos facultés intellectuelles, tout votre avenir, tout votre sens de la réalité. Que vous allez perdre toute votre vie, que ça ira pas en s'arrangeant et qu'il n'y a aucun traitement. Sa fille aînée passera d'ailleurs un examen médical qui attestera qu'elle est également porteuse de la maladie. Super héritage ! Tout semble très juste dans ce film, sa réaction face à l'annonce, ses rapports avec son mari, avec son travail, les relations entre ses enfants, et la façon dont son entourage (totalement dépassé) se comporte à mesure que la maladie progresse.

Pour l'accompagner, on retrouve Alec Baldwin, que je n'ai pas vu dans beaucoup de films, mais que j'apprécie à chaque fois. Il joue très bien le rôle du mari qui soutient sa femme, mais qui doit aussi continuer à vivre et à penser un peu à lui. 

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Là où le bât blesse un peu, c'est surtout du côté de leurs deux filles. Il y a d'abord Kristen-Bella-Stewart. Depuis Twilight, j'ai l'impression qu'elle ne sait jouer que d'une seule manière. Elle fait partie de ces acteurs qui ont tout le temps la même gestuelle, les mêmes styles de personnages, et je trouve que c'est un peu lassant. Que ce soit dans Twilight, The Runaways, Into the Wild ou Still Alice, elle campe une ado en colère, rebelle et boudeuse, qui n'a qu'une seule expression faciale déclinable à l'infini. Ça ferait vraiment du bien de la voir dans un autre registre, c'est un peu son boulot, quand même. Cela dit, j'ai quand même beaucoup apprécié leur relation mère/fille : Lydia est la seule personne qui conserve des rapports directs avec Alice, qui ne change rien à son comportement. Enfin, je terminerai par Kate Bosworth, qui est à peu près aussi pathétique ici que dans Illusions (mais si vous savez, ce faux remake pourri de Misery), donc je n'ai pas grand chose à en dire. Hautaine, bourgeoise et archétype de la gamine trop gâtée, son rôle très cliché dessert un peu le film, pourtant très bon dans l'ensemble.

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Malgré un sujet lourd, Still Alice nous parle d'abord des plaisirs de la vie. Alice elle-même insiste bien là-dessus : elle a eu une vie épanouissante, pleine de joie et de bonnes surprises. Au delà de ça, on se retrouve aussi à penser à toutes les personnes (âgées ou pas) atteintes de la maladie, casés dans des mouroirs et complètement abandonnées… La réalité frappe vraiment ici, le film ne ressemble plus à une simple fiction, et c'est pour cette raison qu'il touche en plein cœur. 

mardi 13 décembre 2016

Loin de la lumière.

[Fanfiction inspirée de l'épisode final de la saison 4 de GoT.]

Juché sur les remparts de la forteresse, il scrutait attentivement l'obscurité, tous les sens en alerte. S'il avait déjà mené ce genre de rondes solitaires par le passé, aucune ne l'avait jamais rendu aussi nerveux. Lorsque les derniers chants s'étaient tus et que les intendants s'étaient éloignés, il avait peaufiné les derniers détails de leur évasion. Cela faisait des mois que loyauté et intégrité livraient une lutte acharnée en lui, ne lui laissant que peu d'énergie pour préparer son plan. Il devait tout à l'homme qu'il s'apprêtait à trahir, mais au fond de lui, il prenait peu à peu conscience que celui-ci était devenu un parfait étranger. Il n'avait plus aucun trait commun avec l'honorable guerrier à qui il avait juré fidélité, sur cette plage déserte et affamée. A quoi rimait alors d'être fidèle à un mirage, à une époque révolue, lorsqu'on en perdait jusqu'à sa propre humanité ? Le jeu du Trône de Fer, avec son lot de duperies et de trahisons, valait-il à ce point que l'on sacrifie des innocents ? Tout à ses pensées, il réalisa que cet acte de félonie mûrissait en lui depuis plus longtemps qu'il n'aurait voulu se l'avouer.

Longeant l'immense bâtisse, il se glissa discrètement dans le couloir central, essayant surtout de ne pas se faire entendre de la femme qui occupait la chambre du fond. Il ne comptait pas sur les nombreuses visites nocturnes qu'elle recevait pour la distraire, rien ne pouvait dissiper une âme aussi dangereuse et malfaisante. S'il se savait plutôt malin, il n'ignorait pas qu'elle l'était encore bien plus que lui. C'était sa force : même au plus fort de la tempête, il avait toujours gardé cette lucidité sur les humains qui l'entouraient. Au loin, il entendit quelques Corbeaux entonner une chanson paillarde démodée, et s'arrêta quelques secondes avant de reprendre sa silencieuse procession. La chambre de la fillette était intercalée entre celle de ses parents et celle de cette femme détestable ; sans doute pour lui imposer un meilleur couvre-feu. A peine eût-il poussé la porte qu'il aperçut la jeune fille enroulée dans son drap d'appoint sali, dormant à poings fermés, souriant presque dans son sommeil. Il se sentit soudain ému par tant d'innocence et de douceur, comme il l'avait été lorsqu'il s'endormait auprès de son propre fils, des années auparavant. Cette petite était une merveille de bonté et de générosité, bien plus que ses deux parents ne le seraient jamais. Il aurait donné sa vie entière pour qu'il ne lui arrive pas malheur, mais elle risquait pourtant de connaître bien des tourments si la femme impie s'intéressait un peu trop à elle. Il l'avait entendu chuchoter entre deux portes qu'elle pourrait être utile au moment venu, et cela ne lui disait rien qui vaille. Il fallait donc faire vite et ne pas se laisser aller au sentimentalisme dans l'immédiat. Il s'approcha du lit et secoua doucement le bras de la fillette, qui faillit pousser un cri de surprise avant qu'il ne pose sa main gantée sur sa bouche. Lorsqu'elle le reconnut, elle se tranquillisa instantanément. Il relâcha son étreinte et elle lui adressa un sourire chaleureux. Avant qu'elle ne put le questionner sur ce réveil brutal, il lui donna un semblant d'explication, chuchotant à son oreille : "Ton père m'a demandé de te conduire hors de la forteresse, je te raconterai tout ça en route, mais pour l'instant tu dois être discrète. Il n'en a parlé à personne et m'a envoyé seul." Cette invention parut satisfaire la fillette, qui sauta de sa couche et commença à se préparer.


"Ça y est, je suis prête !", murmura-t-elle à l'intention de son compagnon d'infortune, qui s'était détourné pendant qu'elle enfilait ses haillons. Il appréhendait cette partie de l'opération et son ventre se tordit à l'idée qu'ils se fassent repérer, arpentant les grands couloirs de pierre au pas de course. Il prit la peluche et le livre favori de sa protégée, en guise de consolation, et les fourra à la hâte dans sa besace. Après lui avoir rappelé de ne réveiller personne, il la laissa passer devant lui et referma la porte de la chambre. Le sol craqua légèrement et il se figea, tremblant, alors que la jeune demoiselle continuait sa marche silencieuse. Elle semblait ne rien avoir entendu, mais qu'en serait-il des autres ? Il tendit l'oreille, mais ne perçut aucun bruit, à part l'infime sifflement de sa respiration saccadée. Ils longèrent l'intérieur de la bâtisse durant cinq bonnes minutes, puis descendirent l'étroit escalier d'un pas lent et mal assuré. Ils se retrouvèrent bientôt dans la cour, les rafales de vent leur giflant le visage, endoloris par le froid, mais libres. Ils avaient réussi. L'homme poussa un soupir de soulagement et la fillette se tourna vers lui, intriguée. Elle ne fit cependant aucun commentaire et se contenta de le suivre en direction du cheval qui, manifestement, les attendait. La silhouette élancée de l'animal se découpait dans l'obscurité, chargée d'un sac en toile sur le flanc gauche. Il se hâta d'en défaire le cordon et en sortit une petite tunique noire agrémentée d'une capuche. Celle-ci avait été cousue quelques jours plus tôt par une jeune femme de la forteresse, la seule qu'on pouvait y trouver d'ailleurs. Pour quelque obscure raison, elle vivait ici avec son bébé et avait obtenu les bonnes grâces de la Garde de Nuit. Il lui avait commandé cette cape pour l'anniversaire de la fillette, avait-il dit, et lui avait donné quelques pièces d'or en échange pour nourrir son fils. Une femme très attachante et courageuse, qui avait fui le grand Nord. Vera, elle s'appelait. Du moins, c'était ce qui lui semblait. Le visage de la gamine s'illumina : "Un cadeau pour moi ?". Il s'émerveillait à chaque fois de sa gratitude, elle qui avait grandi dans une noble famille. Quoiqu'elle n'eût jamais reçu beaucoup de présents de la part de ses parents, qui l'avaient toujours cachée et enfermée à double tour dans une chambre de bonne. Elle enfila son nouveau vêtement, et il rabattit la capuche sur le visage de la fillette. Ils ne pourraient pas passer inaperçus s'ils voyageaient à découvert. Surtout elle.

Lorsqu'ils furent tous deux installés sur la monture, il jeta un dernier inquiet en direction de Châteaunoir. La forteresse était toujours inanimée, silencieuse et sombre. Le danger ne les rattraperait pas dans l'immédiat. Alors qu'il lança son cheval au galop, la jeune fille éclata d'un rire surpris, avant de s'en excuser aussitôt. "C'est que ... je ne sors pas beaucoup et j'ai toujours rêvé de monter à cheval." A ce moment là, elle avait déjà totalement oublié la perspective de retrouver son père hors de la forteresse, tant elle avait la sensation de s'amuser pour la première fois. Cette escapade nocturne, cette promenade à la sauvette, c'était plus qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Il la rassura d'une caresse sur la joue, celle que personne n'avait jamais osé toucher. Mais Davos n'était pas effrayé par le visage difforme de Shireen Barathéon, ce visage qui lui avait valu toutes les disgrâces de sa mère. Lui-même avait côtoyé des marmots galeux dans les ruelles de Culputier, des enfants sales et miséreux, des consanguins, des orphelins abandonnés. Il avait grandi avec eux, avait espéré avec eux, fixant de ses yeux circonspects le Donjon Rouge qui se dressait non loin, de toute son immensité. En ce temps là, il se jurait de ne jamais être avide, de ne jamais se trahir, de ne jamais être mêlé aux grands de ce monde, de quelque manière que ce soit. Avec le recul, il se rendait compte qu'il n'avait jamais vécu de meilleures années que celles-là, entouré de tous ces gamins brisés et insouciants. Qu'avait-il perdu d'autre encore que son intégrité, durant toutes ces années au service de Stannis ? Il y avait laissé son propre fils, qu'il avait entraîné aveuglément à l'avant-garde lors de la bataille de la Néra. Pour cela, il s'en rendrait coupable à jamais, mais il avait choisi d'expier ses fautes. S'il ne pouvait pas ramener son fils à la vie, il pouvait encore aider ceux qui étaient pris au piège de Melisandre. Il n'avait pas hésité à sauver Gendry une première fois ; il sauvait désormais Shireen, la fille unique de Stannis, lequel était capable de la sacrifier pour cette vieillerie en fer forgé qui régnait sur les Sept Couronnes. Au fond de lui, Davos l'avait toujours su. Tout comme il savait qu'il ne pourrait pas continuer très longtemps sa route avec elle. A l'idée de s'en séparer, il éprouvait une profonde tristesse, mais ce n'était qu'une question de temps avant qu'on ne le retrouve et qu'on ne le brûle pour contenter le Dieu de la Lumière. Il lui faudrait trouver un endroit sûr pour Shireen, où jamais la Femme Rouge et Stannis ne penseraient la trouver. Cette évidence le torturait et il ressentait cette douleur sourde désormais familière : celle de perdre, encore une fois, un enfant. Sauf que celui-ci était en vie, et le serait encore jusqu'au prochain été, si tout se déroulait comme prévu.

La fillette sembla comprendre le trouble de Davos, et serra sa main amputée dans la sienne. Ils progressaient dans l'obscurité béante, avec la lune comme seule boussole, lorsque Shireen rompit le silence : "Merci Chevalier Oignon ... Vous n'imaginez pas à quel point c'est le plus beau jour de ma vie."

Elle ne croyait pas si bien dire.

mercredi 23 novembre 2016

"Viscères" de Mo Hayder : impressions à chaud.

Amatrice de thrillers sombres et glauques, j'avais lu de chouettes échos sur Mo Hayder, que j'ai fini par découvrir il y a six ans avec Tokyo, une histoire un peu tarabiscotée et flippante à souhait. Il se trouve qu'elle écrit également (surtout) des polars avec un héros récurrent, l'inspecteur Jack Caffery. Viscères est une suite aux autres romans le mettant en scène, et si le fait de ne pas avoir lu les précédents volumes ne nuit pas à la compréhension du récit, l'avoir fait rend le dénouement encore plus savoureux.

Il y a quinze ans, deux amoureux ont été retrouvés sauvagement éviscérés dans le bois attenant à la maison de campagne des Anchor-Ferrers. Le principal suspect, qui a avoué les crimes, est depuis sous les verrous. Mais aujourd'hui, alors qu'Oliver, Matilda et leur fille de trente ans, Lucia, n'ont pas oublié cette découverte macabre, l'histoire se répète, plongeant la famille dans la terreur. En grand peintre de l'angoisse, Mo Hayder nous livre une série de tableaux sanglants, dans lesquels le commissaire Jack Caffery, toujours hanté par la disparition de son jeune frère, est plus vulnérable que jamais.

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Tous les ingrédients étaient réunis pour me combler : un passé traumatisant qui resurgit brutalement, un huit clos angoissant dans une propriété sans voisinage proche (ambiance à la Misery, t'as vu), la suite des aventures de Jack Caffery, flic solitaire et paumé. Et pourtant, quelques minutes après l'avoir terminé, mon avis est un peu mitigé. Le style d'écriture ne met pas assez le récit en valeur : je ne sais pas si c'est un problème de traduction, mais j'ai trouvé tout ça trop contemplatif et trop neutre.

Mo Hayder a un vrai talent pour jouer avec les nerfs du lecteur, ce n'est pas le problème. Le premier chapitre, qui met en scène une petite fille égarée dans les bois en compagnie d'un chien et d'un mystérieux homme surnommé "le père Noël à l'envers", est très réussi. La découverte macabre de la famille Anchor-Ferrers, qui sent l'étau se resserrer sans rien pouvoir y changer fait monter la pression, lentement mais sûrement. Cependant, l'auteure ne nous colle pas assez les jetons sur ce coup là. La faute à plusieurs éléments qui ne m'ont pas semblé très crédibles, que ce soit dans l'intrigue (quelques dialogues en carton-pâte, quelques précautions élémentaires jamais prises par les ravisseurs pourtant censés être des pro), le comportement de plusieurs personnages (un méchant qui ne l'est en fait pas tant que ça, un autre méchant qui se rend sans opposer de résistance) ou carrément de grosses coïncidences (une personne clé travaille comme par hasard dans une entreprise liée directement à l'intrigue, Caffery rame et perd un temps fou à chercher des indices, mais arrive toujours pile-poil au bon moment). C'est dommage, ce polar aurait pu être brillant, mais il reste simplement agréable à lire, sans plus, alors qu'il y avait un bon potentiel. Et puis, j'ai très vite soupçonné le "coupable" (des années de lectures policières, ça forme), ce qui m'a privé d'un effet de surprise que j'espérais, même si la fin est bonne.

Heureusement, Jack Caffery apprend des éléments nouveaux sur la disparition de son frère, ce qui fait progresser le fil conducteur et pourrait bien tout faire basculer pour la suite. Toujours perturbé par la disparition de son frère Ewan, il a désormais abandonné la partie et veut simplement savoir où celui-ci est enterré, pour pouvoir faire son deuil proprement. Son impuissance à retrouver le corps d'Ewan aura parasité tous les aspects de sa vie, petit à petit : il a définitivement tiré un trait sur sa relation avec Flea Marley (agent de police, elle aussi), a redonné libre cours à son goût pour l'alcool à n'importe quelle heure, et peine désormais à avoir de vraies intuitions. Bref, ici, on retrouve un Caffery totalement à la dérive, secondé par son ami Le Marcheur (personnage désormais bien connu des fidèles de Mo Hayder). Si vous ne l'avez pas encore lu, alors pas besoin d'en savoir plus, je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-même le fin mot de l'histoire.

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A propos de l'auteure : Née à Londres en 1962 et fille de professeurs d'université, Mo Hayder met les voiles à l'âge de 15 ans pour enchaîner les petits boulots dans la capitale. A 25 ans, après un mariage éclair et dix ans de "sex, drugs and rok'n'roll", elle décide de partir s'installer à Tokyo. Sur place, c'est la grosse désillusion : elle mène alors une existence recluse, sortant uniquement de sa chambre de bonne par nécessité. Elle y exerce les métiers de barmaid, éducatrice et enfin, professeur d'anglais. Attirée par les films d'animation, elle quitte le Japon à 28 ans pour les Etats-Unis, afin d'y suivre des études de cinéma. Elle obtient finalement son diplôme, mais sans aucun espoir de diffusion auprès d'un large public, étant donné la violence présente dans ses courts-métrages. Elle décide alors de retourner en Angleterre, où elle occupe un poste de garde du corps, puis finit par se consacrer entièrement à l'écriture. Marquée à vie par les expériences traumatisantes vécues par certains de ses proches et par elle-même, elle reconnaît volontiers son besoin d'utiliser l'écriture comme une thérapie à part entière.

mardi 8 novembre 2016

The Witcher III : le plaisir de jouer retrouvé.

"The Witcher 3: Wild Hunt conclut l'histoire du sorceleur Geralt de Riv amorcée dans les livres d'Andrzej Sapkowski et les deux jeux précédents. À la suite des événements de The Witcher 2: Assassins of Kings, la guerre fait rage entre l'empire du Nilfgaard et ce qui reste des Royaumes du Nord. Dans ce contexte, Geralt apprend que sa fille adoptive, Ciri, a été aperçue pour la première fois après des années d'errance entre les mondes, mais est poursuivie par la Chasse Sauvage, une troupe légendaire de cavaliers spectraux, présage de guerres, de maladies et de fin du monde (le froid blanc). Aidé entre autres par son amie Triss Merigold et sa compagne historique Yennefer, Geralt se met à sa recherche, afin de la retrouver avant la Chasse Sauvage."

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Quand j'ai découvert les joies de la XBox360 l'année dernière, j'ai commencé à jouer énormément. Et dès qu'un jeu (Saints Row 2) m'est tombé entre les mains, j'ai pratiquement occupé la moitié de mes soirées dessus, tellement que j'avais même un peu délaissé la lecture avant de m'endormir. Fort heureusement, je n'avais (et n'ai toujours pas) de console chez moi, ce qui me permettait de faire un break le restant de la semaine. J'ai alors découvert un peu tout ce qui me tombait entre les mains : Skyrim que j'ai adoré, Fallout 3 qui m'a bien divertie, Dragon's Dogma qui s'est vite compliqué, Far Cry 4 que j'ai cordialement détesté, Alan Wake que j'ai plutôt bien aimé, Thief qui reste une énigme complète, Assassin's Creed II qui m'a fait passer d'agréables moments, Injustice : Gods amonds us qui bourrine à la perfection ... Mais ensuite, j'ai juste abandonné l'univers du jeu vidéo, un peu lassée. Comme ça. Pouf. Et puis récemment, j'ai découvert The Witcher III, une petite merveille qui m'a miraculeusement remotivée bien comme il faut.

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Ma tête quand je suis sur le point de commencer une partie.

The Witcher III : Wild Hunt, c'est un poison insidieux au final. On commence par faire deux-trois quêtes, on fourre son nez dans quelques endroits, et on se retrouve à courir sur la carte dans tous les sens, à faire des croisements entre les différentes étapes de la quête principal à imaginer ses petites théories comme on le ferait devant une série. Du coup, le rythme ne faiblit globalement jamais trop, contrairement à la plupart des jeux que j'ai pu tester jusqu'ici : on a une histoire (certes pas originale, mais crédible et extraordinairement bien construite), un but précis, pas de fioritures. On oublie tous les clichés qui envahissent maintenant les jeux vidéos avec des univers futuristes à gogo (désolée, mais je n'aime pas ça, ni dans les livres, ni dans les films, ni rien de rien, et je ne compte pas forcément changer d'avis) et des bastons de trois heures qui empiètent sur l'intrigue : on reste dans le simple-mais-efficace. Dans l'esthétique qui a quelque chose à raconter. Et ça, c'est un bon point, mesdames messieurs. J'ai rapidement retrouvé le plaisir impatient d'allumer la console et de repartir illico vers de nouvelles aventures.


Ici, on incarne Geralt de Riv, un sorceleur censé (entre autres) retrouver sa fille adoptive Ciri. Pour cela, il va falloir survivre aux monstres, aux créatures de la forêt, aux esprits, à la météo pourrie, aux bugs et aux chutes du haut de la falaise. Dans l'ensemble, on assiste sans transition à des scènes anecdotiques (la pourchasse du loup-garou ou d'une voleuse, la découverte un peu inutile des aventures sexuelles du meilleur pote de Geralt) et terribles (la femme du Baron Sanglant devenue à moitié possédée, la mission avec Keira). Cela dit, ne vous fiez pas à l'aspect très "fantasy" de la bande annonce, celui-ci n'arrive que par touches ponctuelles, et l'univers reste quand même très réaliste. C'est justement ce qui fait la beauté du contraste, c'est une claque comme rarement j'en ai pris en matière de jeux vidéos. Ne sachant pas trop comment vous présenter tout ça, je me suis dit qu'il n'était pas mauvais de faire une petite sélection des quêtes les plus marquantes que j'ai pu y découvrir ces derniers temps. Vous en connaîtrez peut-être quelques-unes, et j'espère vous donner envie (ou pas) de faire les autres.


La quête principale (remuer partout pour retrouver Ciri et bastonner la Chasse Sauvage) : 

Après plusieurs dizaines d'heures à sillonner les grandes villes de la carte et à suivre l'histoire qui m'était racontée, je suis devenue Geralt. Jamais un jeu ne m'avait autant immergée dans son univers et son scénario. J'ai retrouvé les bons ingrédients qui font pour moi un livre ou une série agréable : vivre ce qu'on aura jamais l'occasion de vivre, croiser des personnages peu conventionnels à qui on aura jamais l'occasion de faire la conversation, et se balader dans des contrées de rêve. La trame est riche, prenante et parsemée de rebondissements inattendus. Dès le départ, on sait comment tout ça va à peu près finir, mais certaines situations savent bien jouer sur nos cordes sensibles, et on se prend inévitablement d'affection pour les autres personnages, chacun avec leurs motivations et leurs défauts (que ce soit le Baron Sanglant, Triss, Vesemir, Zoltan ou Lambert ... Par contre, j'avoue que j'ai cent fois rêvé de pouvoir faire la tête au carré à Yennefer, elle m'insupporte à un point). La défense du manoir de Kaer Morhen reste définitivement ma scène coup de cœur : on se croirait vraiment aux côtés de Geralt lors de la préparation du plan et du déroulé de l'affrontement (j'ai adoré foncer dans le tas et trancher des têtes à tout va, c'était la meilleure récompense possible pour toutes ces heures de jeu). On voit l'ensemble de la troupe se démener contre la Chasse Sauvage, et rien n'est laissé au hasard à ce moment là. Je ne saurai même pas exprimer à quel point j'étais scotchée devant l'écran, du début de la bataille jusqu'à l'enterrement de Vesemir (très émouvant, au passage).

Bien sûr, les objectifs pour y parvenir foisonnent et traînent parfois un peu en longueur, comme c'est le cas pour la quête du Petit Bâtard, soporifique au possible. Sincèrement, j'ai eu l'impression de me retrouver dans une parodie des 12 travaux d'Astérix et sa maison qui rend fou (dialogues inutiles, personnages introuvables, bugs qui vont bien, étapes à respecter dans l'ordre et visite intégrale de Novigrad pour trouver un malheureux type). Cette mission était une vraie purge, et autant dire que je ne me suis pas régalée du tout. Fort heureusement, ça n'a pas entamé mon enthousiasme général (mais je vous avoue que pendant une seconde, ce n'était pas loin).



Le seigneur d'Undvik (Skellige) :

Arrivé à Skellige, on rencontre la famille royale endeuillée, en quête d'un nouveau successeur après la mort du roi. On se retrouve donc mêlé à une intrigue politique, à choisir le prétendant à la couronne qu'on juge le plus digne et à l'aider dans ses combats et ses explorations. L'histoire est vraiment très cool, originale et dynamique, je n'avais pas encore rencontré de telles interactions dans un jeu. Là où le bât blesse, c'est qu'il s'agit seulement d'un petit épisode, plus narratif qu'autre chose, et qu'on ne peut pas y magouiller façon Game of Thrones (bon, n'est pas Petyr Baelish qui veut, mais ça m'aurait plu de pouvoir au moins participer aux quêtes proposées par les deux souverains possibles, puis de faire mon choix ensuite). Cela dit, je suis impatiente de découvrir les changements apportés à la ville, les conséquences du règne de Cerys (et donc de mes choix). Certains de nos actes pouvant avoir des impacts visuels ou scénaristiques directs, on a un peu l'impression que notre partie devient petit à petit unique, et c'est très plaisant. En plus, le coin est plutôt joli :






L'or des fous (village de Lurtch) :

Parce qu'une petite quête marrante et sans prétention, ça fait parfois du bien aussi (surtout après en avoir terminé avec le Petit Bâtard). Ici, le but est très simple : délivrer les habitants de la malédiction qui les a transformés en cochons. Pour cela, il faudra tout simplement les inspecter et les conduire à la grotte dans laquelle s'est déroulée la transformation. Et voilà que Geralt se retrouve agriculteur, à la tête de tout un groupe de porcs. C'est de l'humour un peu potache, ça ne correspond pas vraiment à l'image héroïque qu'on se fait d'un sorceleur, mais ça détend. Et puis, ma tenue était bien assortie à l'occasion :




Bonus - De quoi ravir les fans d'un certain Tyrion Lannister :

Lorsque j'ai lu qu'on pouvait apercevoir Tyrion dans l'une des geôles de l'archipel, je n'ai pas hésité bien longtemps avant de faire le détour. Malheureusement, on y retrouvera pas plus que son cadavre, perché dans une cellule donnant sur le vide (ce qui n'est pas sans rappeler les Eyrié dans la première saison). La reproduction du personnage n'est pas particulièrement belle, mais elle n'est pas laide non plus : elle ne s'embarrasse pas de détails, mais les traits sont caractéristiques. Si visuellement, ce n'est pas une claque, la référence reste quand même très plaisante.


The Witcher 3 : Wild Hunt
Image volée ici.


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La vraie prison de Tyrion, image tirée de la saison 1.

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Mieux vaut ne pas trop regarder en bas.

En conclusion, on se laisse facilement happer par une histoire plus profonde qu'il n'y paraît et on se régale des nombreuses situations qui ne se ressemblent pas. A tel point qu'on apprend à pardonner, lentement mais sûrement, les quelques longueurs du scénario, les armures très moches dans les trois quarts des cas (les tuniques de paysan, c'est pas trop mon délire), les déplacements du cheval totalement hasardeux, les bugs incontournables et les morts trop faciles (oui, parce que Geralt est susceptible et se suicide dès qu'il saute d'un peu trop haut à son goût). Mais lorsqu'en contrepartie, on voit des images d'une telle beauté et autant de détails peaufinés aux petits oignons, il est impossible de faire le difficile.


Une tenue de warrior que je suis très fière d'avoir dénichée, et une barbe qui atteste du nombre d'heures déjà jouées !


C'est bien, Ablette !


Alors voilà, tu as gagné, Geralt : bienvenue à la première position de mon top 5 des jeux vidéos.

mardi 25 octobre 2016

Miss Peregrine et les enfants particuliers : le retour de Tim Burton.


Pour mémoire, le dernier Burton que j'avais découvert directement au cinéma était Alice in Wonderland, ce supplice d'1h45, durant lequel je n'osais pas sortir pour rentabiliser ma place à 10€. Comme tout le monde ou presque, j'avais été super emballée à ce moment là : parce que Tim Burton, parce que Johnny Depp, parce que surtout Alice au pays des merveilles et sa Reine de Cœur. J'y avais cru dix minutes et j'avais assisté, impuissante, à la démolition d'un mythe incontournable de mon enfance, à grands coups de bons sentiments niaiseux (notamment la chenille qui devient papillon en parallèle de l'héroïne qui devient une femme, je vous raconte pas le délire). Dans cet Alice édulcoré, tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil, j'avais même eu envie de prendre la Reine Rouge (une nouvelle appellation bien pourrie, d'ailleurs) dans mes bras pour lui faire un câlin. A la place, j'aurais voulu frémir en l'entendant beugler "Qu'on lui coupe la têêêêêête !", j'aurais voulu une Alice plus effrontée, et un chapelier encore plus fou et moins Jack Sparrow. Quand le film s'est terminé, la déception avait été au rendez-vous, même si j'ai faiblement cédé aux sirènes du second volet cette année, qui était encore pire. 

Alors nous y voilà, Miss Peregrine et les Enfants particuliers marquait pour moi mon retour vers Tim Burton sur grand écran, un retour à la fois attendu et plein de doutes. Alors, que faut-il vraiment en penser ? Burtonophiles, courrez-y tout de suite, mais je pense que les autres peuvent plutôt passer leur chemin.

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"À la mort de son grand-père, Jacob découvre l'existence d'un monde mystérieux qui le mène dans un lieu magique : la Maison de Miss Peregrine pour Enfants Particuliers. Mais le mystère et le danger s'amplifient quand il apprend à connaître les résidents, leurs étranges pouvoirs …  et leurs puissants ennemis. Finalement, Jacob découvre que seule sa propre particularité peut sauver ses nouveaux amis."

J'avais de grosses inquiétudes quant au scénario, adapté d'un énième roman pour ados post-Harry Potter, visiblement balisé au possible, qui se veut original et qui ne l'est pas vraiment. Et en effet, n'attendez pas trop d'originalité dans le déroulement, tout ça reste très classique, même pour une novice du genre comme moi. Ceci dit, Miss Peregrine sort bien plus du lot que tous les blockbusters qu'on nous sert à la pelle depuis quelques années, parce qu'il possède un réel intérêt (désolée, mais la plupart des films à gros muscles qui sortent en ce moment n'en ont aucun à mes yeux, lancez-moi des cailloux si vous voulez, j'assume totalement). C'est un film très poétique qui fait du bien, et qui fait appel à beaucoup de références de Tim Burton : le côté insolite d'Edward aux mains d'argent, la loufoquerie de Mars Attack, la noirceur de Sleepy Hollow, le cynisme de Sweeney Todd, la frontière entre rêve et réalité très présente dans Big Fish. J'ai eu l'impression que ce nouveau film venait un peu boucler la boucle, en reprenant à lui seul tous les thèmes qui sont chers au réalisateur. Après un Alice cul-cul, un Dark Shadows marrant et un Big Eyes très réussi, on le retrouve donc dans son style de prédilection, et je n'ai eu aucun mal à reconnaître sa patte dès la séquence d'ouverture. Pour mon plus grand plaisir, évidemment.

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Je suis bien consciente que ce genre d'intrigues ont été maintes fois vues et revues. Miss Peregrine, c'est Harry Potter sans le sorcier à lunettes, pas besoin d'être un grand spécialiste pour le comprendre au premier coup d'œil ; c'est aussi, d'après certains, X-Men sans le côté ultra-moderne. Mais je n'ai jamais recherché l'originalité à tout prix (beaucoup moins que pour les séries, en tout cas), et je préfère amplement qu'un film fasse son job plutôt que de s'éparpiller dans le gros n'importe quoi sous couvert de l'inventivité. Ici, j'ai retrouvé la bonne recette de Tim Burton, celle qui m'embarque avec elle à chaque fois : des personnages décalés et hauts en couleur, de l'humour et de la poésie, de la spontanéité dans la mise en scène et de l'excentricité dans le visuel, de la simplicité et de l'exagération. Là où les amateurs s'y retrouveront tout à fait, les autres y verront sans doute une redondance, à vous de choisir où vous vous situez dans tout ça.

Sur ces bonnes paroles, et comme je n'ai jamais été une admiratrice aveuglée par qui que ce soit, je dois quand même reconnaître que Miss Peregrine n'est pas dépourvu de défauts. Au contraire même, il en cumule quelques uns de taille, à commencer par l'interprétation de Samuel L. Jackson, qui finit par devenir quand même très embarrassant. Je ne sais pas ce qui s'est passé, j'ignore si c'est un choix scénaristique ou si l'acteur n'a tout simplement pas compris ce qu'il faisait là, mais sa présence devient très vite imbuvable. Pas dans le sens où il incarne un personnage impitoyable qu'on adore détester, mais plutôt dans le mauvais sens du terme : il cabotine, s'éparpille et nous agace à répétition, sa gestuelle et ses intonations sont vraiment inqualifiables. Le pire, c'est que sur ce coup là, je ne suis pas sûre que la VF soit la seule en cause. En ce qui me concerne, je le classerais aisément dans les vilains les moins effrayants et les plus ridicules que j'ai jamais vus.

Quant à la relation nouée entre Jacob et la jeune Emma, elle est à l'image de bon nombre de romances au cinéma : banale, mièvre, convenue. Pas de surprise de ce côté là. Par contre, la surprise a été de taille face à la baston finale sur fond de musique électro-pop à la David Guetta. Fan ou pas, personne n'a vraiment envie de subir ça.

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Rien que ce screenshot en dit long.

Pour ce qui est du casting, on se réjouit heureusement des interprétations de tous les autres, et notamment d'Eva Green (possible nouvelle muse après Helena Bonham Carter ?), qui crève l'écran à chacune de ses apparitions. Judi Dench, Asa Butterfield et Terence Stamp (peu présent, mais efficace) ne sont pas non plus en reste, incarnant leurs personnages avec justesse et émotion. Dommage que Danny Elfman n'ait pas pu accompagner tout ça et que le travail ait été confié à un autre musicien, ça aurait pu être plus planant encore.

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Je pense que pour apprécier Miss Peregrine, il faut d'abord être dans le bon état d'esprit, le regarder avec son âme d'enfant impressionnable, et être déjà conquis par l'univers particulier de Tim Burton. Ce n'est pas vraiment celui que je vous conseillerai pour découvrir le cinéaste en douceur, on sent qu'il s'est plutôt bien fait plaisir et qu'il a extériorisé son côté déjanté à fond. En parlant d'enfants d'ailleurs, évitez d'emmener les vôtres s'ils n'ont pas au moins 12 ans, autrement vous serez contraints de leur expliquer quelques passages un peu gênants (je suis sûre que vous vous en passerez très bien, et eux aussi).

vendredi 21 octobre 2016

Une bien charmante boîte à thé.

Inscrite depuis deux ans sur Pinterest, j'ai eu le temps d'y découvrir toutes sortes de choses en matière de loisirs créatifs, qu'elles soient d'une simplicité enfantine ou d'un niveau bac +20 en arts appliqués. Et comme être douée de ses dix doigts ne se fait pas en un jour, j'ai enfin décidé de me faire un peu confiance et de me lancer (doucement) dans le DIY. Si j'avais de l'argent en trop, je m'offrirai sûrement plein de choses dont je n'aurai plus besoin dans un mois et des goodies en quantité astronomique. Mais ce n'est pas le cas, alors je préfère mettre la main à la pâte moi-même. C'est sur ces bonnes paroles que j'ai voulu reprendre l'idée de la créatrice du blog "La parenthèse imaginaire" (merci à elle pour sa brillante idée, c'est le cas de le dire). Après tout, j'ai quand même la chance de ne pas me débrouiller trop mal en peinture, et la création manuelle reste l'un de mes premiers amours d'enfance, bien trop vite abandonné. Cela dit, je ne dispose pas d'une patience énorme (ou alors si, mais de manière très sélective), et j'espérais franchement que l'expérience allait m'inciter à continuer par la suite (c'est le cas). 

Emblème de la maison Barathéon (Game of Thrones), ce cerf argenté me paraissait tout autant s'inscrire dans une ambiance douce et cocooning à l'approche de l'hiver. Après avoir passé quelques heures à appliquer plusieurs couches, fignolé les détails et vérifié que le résultat ne soit pas trop effrayant, je peux donc enfin vous montrer ceci :




J'avoue être assez satisfaite du rendu pour un premier essai, bien que le résultat aurait sans doute été le même avec une peinture moins chère (ici, achetée dans une boutique spécialisée en figurines, presque 4€ le petit pot, qui y est passé en entier). Je le saurai pour la prochaine fois, puisque tout ça m'a bien donné envie d'essayer d'autres choses (notamment les œufs de dragon de Danaerys, ou encore le coffret des Stark, pour rester dans le thème, même si j'ai surtout d'autres idées plus personnelles).

jeudi 20 octobre 2016

Ce que j'entends vraiment par "films de filles".

Je ne l'ai presque pas fait exprès mais ces dernières semaines, j'ai regardé deux films qui ont fait de moi une madame comblée. Le premier est résolument féministe, ce qui est sans doute un peu moins la vocation du deuxième, qui propose quand même des petites choses intéressantes.

Ghostbusters 2016 :

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Voilà un film qui a fait grand bruit des mois avant sa sortie au cinéma (en août dernier). On a tout entendu à son sujet des choses chouettes et d'autres très absurdes, voire évidemment sexistes. En tant qu'adepte notoire du cinéma-c'était-mieux-avant, je trouve les remakes aberrants et complètement inutiles, surtout quand ils mettent en scène des concepts sans arrêt déclinés pour faire du chiffre. En réalité, je ne saurais pas vraiment dire si Ghostbusters 2016 est un remake ou non parce que je ne connais que très peu l'univers original. Comme beaucoup, j'ai découvert la chanson officielle quand j'étais môme, elle fait partie des incontournables qu'on se passait presque chaque jour dans la cour du collège, mais ça s'arrête là. J'ai donc pu apprécier pleinement ce film sans être tentée de le comparer à ses grands frères, ce qui n'est pas plus mal.

Cette version féminine de Ghostbusters, je l'ai vue comme un espoir. Je me fiche totalement des intentions du réalisateur ou du fric que ce film a brassé, parce qu'ici je vois au-delà : quatre femmes (dont une noire et une grosse, ça fait du bien) en sont les héroïnes, elles sont scientifiques, drôles, déterminées et elles sont accompagnés d'un secrétaire mâle complètement à côté de la plaque. En un mot : elles déchirent. Des personnages féminins qui ne sont pas des seconds rôles, qui exercent une profession où on voit davantage d'hommes, qui ne vivent rien de romantique et auxquelles on peut enfin s'identifier, c'est un peu mon rêve de gosse qui se réalise. Je perçois plus ce film comme un hommage et une alternative, qui peut (et doit) servir d'exemple pour l'avenir, même s'il n'est sûrement pas le premier à mettre les pieds dans le plat. Les petites filles ont besoin d'autre chose que la douceur de Cendrillon et les boobs de Lara Croft auxquels s'identifier (et les grandes comme moi aussi). Sinon, j'ai trouvé ce film tout simplement excellent. Délirant à souhait sans être WTF, direct et captivant, tous les ingrédients sont réunis pour passer un très bon moment. L'une des meilleures comédies que j'ai pu voir cette année, sans conteste.

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J'ai une légère préférence pour Jillian, en ce qui me concerne.



Ricki & The Flash : 

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J'ai d'abord été très intriguée par l'affiche, qui présentait Meryl Streep dans le rôle d'une rockstar déjantée. Comme vous le savez sûrement, j'aime beaucoup cette actrice et cette nouveauté était donc la bienvenue. L'histoire est celle de Linda (alias Ricki Rendazzo), chanteuse du groupe The Flash, se produisant essentiellement dans un bar californien. Pour réaliser son rêve, Ricki a largué les amarres loin d'un quotidien monotone, laissant derrière elle mari et enfants à l'abandon. Elle n'a finalement pas réussi à avoir l'envergure de Joan Jett, mais a rapidement choisi la passion plutôt que le confort de vie : la preuve que le cinéma peut nous montrer autre chose que des femmes vénales. Des années plus tard, elle est obligée de revenir auprès d'eux, à Indianapolis, sa fille aînée étant en pleine dépression suite à une rupture.

C'est avant tout un film familial, il ne faut pas se leurrer. Il n'est pas vraiment rempli de bons sentiments un peu chiants, mais pose plutôt une problématique intéressante : comment est vu l'abandon d'une femme envers sa famille. Il faut être honnête, Ricki est loin d'être la mère idéale. En plus d'être absente, elle vote républicain, nie l'homosexualité de son fils et a une fâcheuse tendance à se concentrer surtout sur les défauts des autres. Elle n'est pourtant pas malveillante, elle aime simplement sa famille à sa manière, et fuit à tout prix la monotonie écrasante d'une vie bien rangée. Alors bien sûr, on comprend sa fille lorsqu'elle lui reproche d'avoir suivi son rêve, réaction logique de sa part, mais tout aussi égoïste finalement. On ne veut pas que les parents soient autre chose que des parents, si possible pas trop marginaux, pas trop conventionnels, pas trop envahissants, mais suffisamment présents. Bref, il y a malgré tout ici un côté happy-ending, même si Ricki prend le parti de ne pas abandonner son mode de vie actuel, mais simplement de le faire découvrir à ses proches, pour mon plus grand bonheur. En plus, Meryl Streep est tonitruante et chante hyper bien, ce serait un crime de rater ça.

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mercredi 12 octobre 2016

Cézanne et moi, de Danièle Thompson.

Il faut que vous sachiez que je suis actuellement dans ma période salles obscures, comme à peu près tous les ans dès l'arrivée de l'automne. En plus d'être ma saison préférée, elle offre souvent un bol d'air frais culturel entre les vacances d'été et celles de Noël (et ce n'est pas du luxe, voyez-vous). Du coup, j'ai découvert ce matin Cézanne et moi, un biopic qui retrace l'une des amitiés les plus célèbres de l'histoire. 

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En résumé, Cézanne et Zola se sont rencontrés à Aix-en-Provence alors qu'ils étaient encore au collège : le premier venant d'une famille plutôt bourgeoise et n'ayant peur de rien, le deuxième étant un petit italien persécuté par les autres élèves. Très vite une amitié se noue entre les deux adolescents, devenus inséparables. Quelques années plus tard, ils décident de partir à la conquête de Paris, des rêves de gloire et de reconnaissance plein la tête. Zola se fait rapidement repérer par les grands noms de la littérature, et même si les gardiens de la bonne morale s'en insurgeront très souvent, il rencontrera un succès fulgurant tout au long de sa vie. Cézanne, en revanche, ne fera parler de lui qu'à titre posthume, ce qui achèvera de titiller son amour propre et sa haine du monde entier. Petit à petit, il se voit fermer toutes les portes : celles des Beaux-Arts, des salons, des musées, de la société, de ses amis. Zola lui-même n'aimait d'ailleurs pas réellement sa peinture, mais s'efforçait de le lui faire croire, par gentillesse (un peu) et par pitié (beaucoup). Après des années de non-dits, les deux hommes ont définitivement coupé les ponts lorsque Zola a fait paraître L'Oeuvre, récit de la vie d'un peintre raté et obsessionnel (directement inspiré de Cézanne de manière totalement décomplexée, tranquille et sans pression), mettant ainsi un terme à quarante ans d'amitié.

En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé les thématiques abordées : l'amitié, l'art, les souffrances de la créativité, les douleurs de la vie, le rejet de ses origines, le jugement et la trahison. Cette histoire torturée et un peu sombre (à l'image d'Yves Saint-Laurent de Jalil Lespert) est portée à l'écran par un duo d'acteurs excellent. Guillaume Gallienne crève littéralement l'écran, explorant à fond cette personnalité complexe, parfois même à la limite du survoltage. Il est réellement habité par son personnage, volcanique, incompris, capricieux et blessé, sans cesse à la recherche de l'approbation de son ami. 

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Mais Guillaume Canet n'est pas à la traîne pour autant, et incarne avec justesse un Zola courtois, respectueux et coincé dans un quotidien très planplan. Le succès n'arrivant jamais seul, il devient progressivement plus distant, voire parfois condescendant, jusqu'à incarner lui-même une image de la bourgeoisie qu'il dénonçait haut et fort. Une indignation beaucoup moins glorieuse que sur papier, c'est le moins qu'on puisse dire.

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Une fois le décor planté, Cézanne et moi devient une comparaison continuelle entre les deux amis : l'un a du succès, l'autre non ; l'un n'a besoin que d'une seule femme dans sa vie et l'autre copule à tout va, l'un est calme et l'autre colérique. Finalement, cette approche linéaire ne m'a pas fait ressentir autant d'émotion que je l'aurais voulu. Quand j'y pense après coup, ces deux personnalités, pourtant intéressantes, sont cantonnées à des disputes, des jalousies et de vagues histoires de cul. Heureusement, on a aussi droit à quelques discours sur l'art, mais ça reste assez limité dans le temps. Les hostilités se sont surtout déclenchées à partir de la publication de L'Oeuvre, et si vous avez lu ce bouquin, vous comprendrez malheureusement bien vite où le scénario veut en venir. A un moment donné, j'ai eu l'impression que le film était à la fois un biopic et une adaptation du roman, j'ai été un peu déstabilisée, on dirait que le but était de faire un deux en un. On pourrait également citer l'interprétation d'Alice Pol qui semble s'être trompée d'époque, son personnage est totalement anachronique (autant dans le vocabulaire employé que dans la gestuelle ou le comportement), sans parler des mains des acteurs principaux, qui n'ont été vieillies à aucun moment alors qu'ils arborent des rides et des bedaines rebondies de soixantenaires. Le gros détail qui tue.

Cela dit, malgré quelques longueurs, je ne me suis globalement pas ennuyée et j'ai trouvé l'histoire touchante. Le sens esthétique, la mise en scène, les interprétations magistrales des deux Guillaume et le travail colossal des maquilleurs méritent d'être salués et contribuent grandement à la qualité du film. Pour toutes ces raisons, je vous conseille d'y jeter un coup d'œil, même s'il n'est pas forcément vital de le découvrir sur grand écran pour l'apprécier.

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vendredi 23 septembre 2016

Le point sur Stephen King.


Puisque le monde vient de célébrer le soixante-neuvième anniversaire de Stephen King, c'est à mon tour de m'y coller, avec un train de retard et une idée pas vraiment originale (tellement pas que l'équivalent de cet article existe déjà sur les forums appropriés). Eh oui, pour ceux qui ne s'en doutaient pas, j'ai toujours été une fan en carton, et c'est d'ailleurs le cas envers tous les artistes que j'admire. Enfin bon, comme on dit, c'est l'intention qui compte, non ? 

Avant tout : si vous n'êtes pas vraiment fans de l'univers du "maître de l'épouvante", je vous conseille directement d'attendre qu'on passe à autre chose (ce qui sera rapidement le cas, n'ayez crainte). Si en revanche, vous avez écumé les adaptations qui en sont issues, que vous avez en votre possession au moins une étagère de livres copieusement garnie, et que vous passez des soirées entières à faire des quiz pour tester vos connaissances en la matière, vous devriez apprécier la lecture de ce dossier, dont les articles apparaîtront ici et là au fil des semaines. 

Si vous passez de temps en temps sur mon blog, vous aurez remarqué que ma lecture du moment, c'est toujours plus ou moins Stephen King, et ce depuis quelques années maintenant. Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer ce qu'une passion littéraire, quelle qu'elle soit, représente. La plupart d'entre vous ont grandi avec certaines références, comme ce fut mon cas. Je me rappelle avoir déjà passé une demi-heure dans la file d'attente de la FNAC parce que je ne voulais pas repartir les mains vides, avoir déconnecté de toute vie sociale pendant une semaine avec Rose Madder et m'être forcée à ne lire qu'un chapitre par jour de Shining. Tout ça pour ne pas voir se terminer les aventures de personnages que j'aimais tant, tout ça pour ne pas voir se terminer définitivement mon adolescence. J'ai découvert Stephen King en 2012, alors âgée de dix-sept ans. J'avais le même âge que Carrie, je me sentais tout aussi inutile, et comme beaucoup avant moi, l'alchimie a été immédiate. Mes proches ont toujours alimenté ma boulimie livresque, ravis de me voir me passionner autant pour quelque chose, sachant qu'un bouquin était toujours le plus sûr cadeau à m'offrir en n'importe quelle occasion (autant pour faire plaisir sous le sapin que pour enterrer la hache de guerre). En y réfléchissant à l'heure actuelle, je prends pleinement conscience du fait que l'écriture de King a évolué avec ses personnages, et c'est ce qui, à mon sens, donne autant de force à son contenu. Dans ses premiers grands succès (CarrieShiningChristineÇa), on retrouve certains thèmes liés à l'enfance et l'adolescence, comme l'omniprésence de la peur, mais aussi les dégâts pouvant être causés par l'entourage familial, le courage qu'il faut pour avancer à contre-courant en se sentant toujours un peu paumé, le mépris que les gens affichent à l'égard de ceux qui n'entrent pas dans le moule, la cruauté morale que la société encourage indirectement. Je pense que c'était exactement ce dont j'avais besoin à ce moment-là, même si ça peut paraître carrément maso.

J'avais prévu de faire un seul et unique article, une sorte d'anthologie, mais la bibliographie de Stephen King est un énorme pavé dont on ne peut pas se débarrasser comme ça. Pas avec un monde aussi riche et complet. Autant faire les choses en grand et vous proposer une petite palette sur le sujet, une série d'articles dans ma série d'articles initiale, en quelque sorte. En attendant, je vais me plier à quelques questions récurrentes qui m'ont été posées (notamment par le biais d'un groupe dont je fais partie, mais également par certains autres curieux). N'hésitez pas à y répondre vous aussi, mine de rien ça m'intéresse ! 

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Ton roman favori, et celui que tu aimes le moins ?
Malgré cette désagréable impression de radoter à longueur de temps, le meilleur livre de Stephen King reste et restera pour moi Misery. Comme je vous le disais dans cet article, je l'ai adoré de bout en bout, j'ai été vraiment déstabilisée par toute cette histoire, déstabilisée et ravie. À l'inverse, ce qui m'a le moins emballée, c'est quand même Les Tommyknockers. Sûrement parce qu'il contient énormément de détails, sans parler du fait qu'il est sans doute plus adapté à un public réceptif aux phénomènes surnaturels. Me pondre un pavé sur les extraterrestres, c'est un peu comme donner de la confiture à un cochon, je suis tout bonnement incapable d'avoir un réel avis sur ce bouquin. Je sais seulement qu'il ne m'a pas passionnée et que je ne le relirai sans doute pas.


Ton héros favori, et le Méchant que tu préfères ?
Sans trop d'hésitation, je crois que mon personnage favori est Dolores Claiborne. Déterminée, protectrice, spontanée et fidèle, elle est pour moi l'incarnation d'une héroïne moderne écorchée par la vie. Comment ne pas se mettre à sa place ? Comment ne pas la considérer comme un modèle de courage et de féminisme, encore aujourd'hui ? Son histoire m'a énormément marquée, et je la considère bien plus comme une vieille amie que comme un simple personnage fictif. Quant aux fameux vilains qu'on aime détester, j'ai beau adorer la folie d'Annie Wilkes, elle ne m'inspire pas le tiers de crainte que je ressens en pensant aux plans machiavéliques de Leland Gaunt. Ce mystérieux antiquaire est complètement vicieux et malsain (rien de très surprenant pour une incarnation du Diable, me diriez-vous), manipulateur et méthodique, il ne recule devant rien. Il fait partie des rares personnages pour qui j'ai ressenti autant de fascination, sans pour autant ne jamais éprouver la moindre compassion à son égard.


Ton écrivain préféré, et celui que tu aimes le moins ?
Le meilleur écrivain selon moi est sans doute le plus prolifique, à savoir Thad Beaumont. J'ai pourtant beaucoup hésité avec Mort Rainey, mêlé à une histoire à la fois semblable et totalement opposée, mais on ne comprend que tardivement ce qui lui arrive et on ne peut pas dire qu'il foute vraiment grand chose d'autre que de sombrer dans la dépression. D'autant qu'il n'y a pas mieux que Beaumont pour symboliser ce qui se trame dans l'esprit de Stephen King, étant donné que c'est son personnage le plus autobiographique. A côté de ça, l'écrivain que j'aime le moins nous provient des Tommyknockers, que j'ai déjà cité plus haut. Parce que Jim Gardener n'a pas un passé vraiment joli-joli en matière de violence conjugale, et même s'il tente de se racheter une conduite, ça n'a pas suffit à mes yeux pour le rendre tout à fait sympathique.


Le moment le plus drôle ? Et le plus émouvant ?
Le moment le plus drôle pour moi reste le passage où on apprend que Bill Hodges se prénomme en vérité Kermit et que sa grande mission dans la vie a été de le cacher au plus grand nombre. Je me rappelle avoir franchement souri, c'est une anecdote qui m'a beaucoup amusée et qui m'a sans doute aidée à m'attacher très vite à ce flic parfois un peu caricatural. Quant au moment le plus émouvant, je n'arrive pas à me décider entre la mort de Norman (le mari détestable de Rose Madder), et celle de Joe (celui, tout aussi détestable, de Dolores). On se rend bien compte que quelque chose se brise en elles à ce moment là, qu'il n'y aura plus de retour en arrière possible : on ressent alors un tel soulagement chez ces deux femmes qu'on ne peut qu'y être sensible. C'est le genre de sujets qui me prend particulièrement aux tripes, et une fois encore ça n'a pas fait exception.

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Le moment le plus triste, et la mort qui t'a le plus peiné ?
Il y a tellement de passages désespérants disséminés dans l'ensemble de son oeuvre que j'ai eu du mal à me décider. Mais je ne peux pas m'empêcher de pleurer comme un bébé à la fin de La ligne verte. Je me rappelle avoir versé une petite larme lors de la mort de John Coffey, mais ce n'était rien en comparaison avec la vieillesse de Paul Edgecombe et la culpabilité qui le ronge. On en ressort avec l'impression que la vie n'est qu'un cercle répétitif sans aucun sens, et je vous avoue que je n'avais pas spécialement envie de hurler de joie à ce moment là. Honnêtement, je pense que c'est l'un des bouquins les plus déprimants que j'ai jamais lus. Plus jamais je ne pourrai m'attendrir sur l'amitié sincère entre Edgecombe et Coffey, sans avoir un pincement au cœur en pensant à ce qui attend chacun des personnages par la suite. 


Ton passage préféré qui n'apparaît pas dans l'adaptation ?
Après de longues heures (non pas vraiment, mais quand même) de débat interne, je dirais qu'il s'agit du sacrifice que fera Jack Torrance pour protéger son fils de lui-même et des esprits de l'Overlook. On n'en sait strictement rien dans l'adaptation de Kubrick, puisque la scène a été complètement métamorphosée en quelque chose qui n'avait rien à voir. Enfin bon.


Quelle créature aurais-tu aimé être dans une autre vie ?
Je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu orgueilleux à déterminer ce qu'on aurait voulu être, parce qu'on aimerait souvent y associer notre créature préférée, alors qu'on est souvent loin de posséder les mêmes qualités qu'elle. Si je pouvais choisir, j'aurais sans doute opté pour le Félidé, ou bien Christine (histoire d'être belle gosse une fois dans ma vie, vous comprenez). Mais je pense plus probablement correspondre à un animal qui réussit toujours à se sortir de situations pourries, quitte à y laisser quelques bouts de lui-même derrière. Un peu comme Mr Jingles, en fait. Pas très ambitieux, hein. 

The Green Mile Mr. Jingles:

Voilà pour ce premier article, je pense avoir déjà fait un peu le tour, l'air de rien. N'hésitez pas (genre vraiment) à me faire parvenir vos réponses dans les commentaires, et à très bientôt pour la suite de nos aventures Kingiennes !