mercredi 23 novembre 2016

"Viscères" de Mo Hayder : impressions à chaud.

Amatrice de thrillers sombres et glauques, j'avais lu de chouettes échos sur Mo Hayder, que j'ai fini par découvrir il y a six ans avec Tokyo, une histoire un peu tarabiscotée et flippante à souhait. Il se trouve qu'elle écrit également (surtout) des polars avec un héros récurrent, l'inspecteur Jack Caffery. Viscères est une suite aux autres romans le mettant en scène, et si le fait de ne pas avoir lu les précédents volumes ne nuit pas à la compréhension du récit, l'avoir fait rend le dénouement encore plus savoureux.

Il y a quinze ans, deux amoureux ont été retrouvés sauvagement éviscérés dans le bois attenant à la maison de campagne des Anchor-Ferrers. Le principal suspect, qui a avoué les crimes, est depuis sous les verrous. Mais aujourd'hui, alors qu'Oliver, Matilda et leur fille de trente ans, Lucia, n'ont pas oublié cette découverte macabre, l'histoire se répète, plongeant la famille dans la terreur. En grand peintre de l'angoisse, Mo Hayder nous livre une série de tableaux sanglants, dans lesquels le commissaire Jack Caffery, toujours hanté par la disparition de son jeune frère, est plus vulnérable que jamais.

Résultat de recherche d'images pour "mo hayder livres"

Tous les ingrédients étaient réunis pour me combler : un passé traumatisant qui resurgit brutalement, un huit clos angoissant dans une propriété sans voisinage proche (ambiance à la Misery, t'as vu), la suite des aventures de Jack Caffery, flic solitaire et paumé. Et pourtant, quelques minutes après l'avoir terminé, mon avis est un peu mitigé. Le style d'écriture ne met pas assez le récit en valeur : je ne sais pas si c'est un problème de traduction, mais j'ai trouvé tout ça trop contemplatif et trop neutre.

Mo Hayder a un vrai talent pour jouer avec les nerfs du lecteur, ce n'est pas le problème. Le premier chapitre, qui met en scène une petite fille égarée dans les bois en compagnie d'un chien et d'un mystérieux homme surnommé "le père Noël à l'envers", est très réussi. La découverte macabre de la famille Anchor-Ferrers, qui sent l'étau se resserrer sans rien pouvoir y changer fait monter la pression, lentement mais sûrement. Cependant, l'auteure ne nous colle pas assez les jetons sur ce coup là. La faute à plusieurs éléments qui ne m'ont pas semblé très crédibles, que ce soit dans l'intrigue (quelques dialogues en carton-pâte, quelques précautions élémentaires jamais prises par les ravisseurs pourtant censés être des pro), le comportement de plusieurs personnages (un méchant qui ne l'est en fait pas tant que ça, un autre méchant qui se rend sans opposer de résistance) ou carrément de grosses coïncidences (une personne clé travaille comme par hasard dans une entreprise liée directement à l'intrigue, Caffery rame et perd un temps fou à chercher des indices, mais arrive toujours pile-poil au bon moment). C'est dommage, ce polar aurait pu être brillant, mais il reste simplement agréable à lire, sans plus, alors qu'il y avait un bon potentiel. Et puis, j'ai très vite soupçonné le "coupable" (des années de lectures policières, ça forme), ce qui m'a privé d'un effet de surprise que j'espérais, même si la fin est bonne.

Heureusement, Jack Caffery apprend des éléments nouveaux sur la disparition de son frère, ce qui fait progresser le fil conducteur et pourrait bien tout faire basculer pour la suite. Toujours perturbé par la disparition de son frère Ewan, il a désormais abandonné la partie et veut simplement savoir où celui-ci est enterré, pour pouvoir faire son deuil proprement. Son impuissance à retrouver le corps d'Ewan aura parasité tous les aspects de sa vie, petit à petit : il a définitivement tiré un trait sur sa relation avec Flea Marley (agent de police, elle aussi), a redonné libre cours à son goût pour l'alcool à n'importe quelle heure, et peine désormais à avoir de vraies intuitions. Bref, ici, on retrouve un Caffery totalement à la dérive, secondé par son ami Le Marcheur (personnage désormais bien connu des fidèles de Mo Hayder). Si vous ne l'avez pas encore lu, alors pas besoin d'en savoir plus, je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-même le fin mot de l'histoire.

Afficher l'image d'origine

A propos de l'auteure : Née à Londres en 1962 et fille de professeurs d'université, Mo Hayder met les voiles à l'âge de 15 ans pour enchaîner les petits boulots dans la capitale. A 25 ans, après un mariage éclair et dix ans de "sex, drugs and rok'n'roll", elle décide de partir s'installer à Tokyo. Sur place, c'est la grosse désillusion : elle mène alors une existence recluse, sortant uniquement de sa chambre de bonne par nécessité. Elle y exerce les métiers de barmaid, éducatrice et enfin, professeur d'anglais. Attirée par les films d'animation, elle quitte le Japon à 28 ans pour les Etats-Unis, afin d'y suivre des études de cinéma. Elle obtient finalement son diplôme, mais sans aucun espoir de diffusion auprès d'un large public, étant donné la violence présente dans ses courts-métrages. Elle décide alors de retourner en Angleterre, où elle occupe un poste de garde du corps, puis finit par se consacrer entièrement à l'écriture. Marquée à vie par les expériences traumatisantes vécues par certains de ses proches et par elle-même, elle reconnaît volontiers son besoin d'utiliser l'écriture comme une thérapie à part entière.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire